Rendre les élèves autonomes (créativité et production)
Renforcer l’interactivité avec et entre les élèves
Aucun parcours associé
Aucun axe associé
2D-Langues vivantes
Cycle 4 / 3e
Non significatif
Aucune
Aucun
Plusieurs séances
Produire
Communiquer
S'entrainer
En classe entière
En classe entière
à d'autres domaines d'enseignement
compréhension écrite
production écrite
interaction orale
L'application Bury me my love est une application payante, disponible sous Android et IOS. Afin que cette expérimentation se déroule dans les meilleures conditions, j'ai demandé à mon établissement, le collège Léonard de Vinci à Saint-Brieuc, d'acheter 8 applications pour les 8 tablettes de la flotte de langues vivantes. L'application a été testée dans une classe de 3ème, composée de 26 élèves présentant des niveaux hétérogènes. Ce travail s'intègre dans le cadre d'un EPI langues, lettres, histoire-géographie qui porte sur l'étude des femmes au 20ème siècle.
Déroulement de la séquence :
Cette séquence s'est déroulée pendant plus de 4 semaines, à raison de 3 heures par semaine. Elle a été mise en œuvre après une séquence sur Robert Burns, que j'avais présentée sous forme de jeu d'évasion, afin d'habituer mes élèves aux mécanismes du jeu pédagogique.
L'utilisation d'un jeu entraîne un changement de posture pour l'enseignant et pour l'apprenant. Le professeur se place davantage en retrait pour permettre aux élèves de prendre en main une situation ludique qui offre des vertus pédagogiques.
Lorsque les élèves jouent en cours de langues, ils ne se rendent pas compte qu'ils sont en train d'apprendre en s'amusant et qu'ils développent des compétences.
À partir des fiches ci-dessous (voir fiches 1-2), mes élèves ont ainsi pu réfléchir sur leurs activités pendant un jeu. Je souhaitais qu'ils se rendent compte que dans le cadre d'une séance ludifiée, ils ne se contentent pas de jouer. Ils développent différentes stratégies d'apprentissage et des compétences telles que la coopération, l'entraide, la communication, l'écoute, le respect de l'opinion de l'autre et la prise de décision. Afin de permettre ce développement, j'ai organisé ma semaine en trois temps : un jour dédié à l'enregistrement des émissions de radio sous forme de carnet de bord radiophonique. Le lundi, les élèves rendaient compte du périple de Nour. Le jeudi était le jour consacré au jeu. Les élèves jouaient en groupe sur la tablette et une phase de débriefing permettait de revoir les difficultés de compréhension rencontrées pendant le jeu. Le vendredi, les élèves travaillaient sur la rédaction du compte-rendu de la journée écoulée et préparaient leur intervention pour l'enregistrement des émissions de la wikiradio.
Sur la fiche 3-4 en annexe, vous trouverez un exemple de contenu demandé aux élèves.
Fiche 1
Modalités de travail
a) Séance de jeu sur tablette :
Les élèves ont joué à Bury me my love sur une tablette du collège. Ils étaient répartis par groupe de 4. Une personne était chargée de valider les choix effectués par le groupe dans le jeu. Une autre devait chercher les mots rencontrés au fil de la lecture en utilisant le dictionnaire en ligne https://context.reverso.net/traduction/ et contribuait à la création d'un nuage de mots collectifs sur https://answergarden.ch/
Answergarden est un outil en ligne gratuit, permettant de créer un nuage de mots collectif sans que les élèves aient à fournir des données personnelles en créant un compte individuel.
Deux autres personnes prenaient des notes des événements et faits importants qui se déroulaient dans la journée, afin de pouvoir compléter le polycopié retraçant la journée écoulée.
Au bout de 40 minutes, un retour collectif est effectué, pour rendre compte de ce qui s'est déroulé dans l'histoire et afin de faire le point sur le vocabulaire (voir photo prise en classe ci-dessous).
b) Séance de production orale pour la réalisation d'une émission radiophonique
Le collège Léonard de Vinci est équipé d'un studio de wikiradio permettant d'utiliser le médium de la radio pour entraîner les élèves à la prise de parole. Tous les lundis, nous nous rendions au CDI et un groupe s'enregistrait, tandis que les autres amélioraient le contenu de leur carnet de bord virtuel.
Exemples de productions écrites retraçant les trois premiers jours du périple de Nour
Voici un exemple d'émission produite entièrement par les élèves. Ils ont créé la musique d'introduction et ont géré eux-même le travail d'enregistrement en studio après avoir été formés à l'outil par la professeure documentaliste.
Exemple d'épisode diffusé sur la wikiradio : https://collegeleonarddevinci.radioeducation.org/broadcast/2628-Bury-me-my-love-episode-1-TraAM
En fin de séquence, mes élèves ont également créé des jeux à partir du site Learningapps tels que des mots croisés et des QCM dont voici des exemples :
https://learningapps.org/display?v=pz8airhoc19
https://learningapps.org/display?v=puzzgs71n19
Place et rôle de l'enseignant
Pendant le déroulement de cette séquence, mes élèves se sont retrouvés au cœur de la situation d'apprentissage.
Les émissions de radio ont été entièrement gérées par 4 élèves qui se sont occupés de l'aspect technique. Ils ont créé la musique d'introduction et ont également pris en charge l'enregistrement des émissions. Cela m'a permis de dégager du temps pour accompagner les élèves qui avaient le plus besoin de moi pour la rédaction des comptes-rendus destinés au carnet de bord et pour la préparation des conducteurs.
Pendant la phase de jeu, je restais en retrait car les élèves n'avaient pas besoin de moi pour comprendre l'histoire. Le fait de travailler en îlot leur permettait de construire ensemble du sens. Je n'intervenais que lorsqu'ils ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur un point.
En fin de séance, je revenais au face à face pédagogique pour effectuer une synthèse collective.
Au fil des séances, mes élèves sont devenus de plus en plus à l'aise et de plus en plus engagés lors des enregistrements. La qualité de leur production orale s'est améliorée, tout comme leurs écrits.
Points positifs :
Les élèves se sont immédiatement engagés dans l'activité car ils n'avaient pas l'impression de travailler mais bien davantage de partager une expérience de jeu collective.
Le fait de devoir jouer en anglais a constitué un défi supplémentaire pour ceux qui étaient habitués à jouer aux jeux vidéos.
Tous les élèves sont parvenus à trouver leur place dans le projet. Les plus faibles se sont sentis aussi compétents que les bons élèves en anglais parce qu'ils maîtrisaient la dimension technique du projet.
Les élèves ont développé leur autonomie et leur responsabilisation. Les décisions pour avancer dans le jeu devaient être prises ensemble. Certains choix pouvaient écourter l'aventure.
Au travers du jeu, ils ont développé leurs compétences langagières et culturelles, qui étaient intimement liées.
Nour représente l'archétype de la femme du 21ème siècle - libre d'aller où elle le souhaite, forte pour surmonter les obstacles qui se dressent devant elle et connectée au monde grâce à son téléphone.
Retour des élèves
Pour évaluer l'impact de ce type d'activité sur les apprentissages, j'ai demandé aux 26 élèves de ma classe de 3ème de bien vouloir compléter un questionnaire.
Il s'agit d'une adaptation du questionnaire que Cédric Brulé a soumis à ses élèves. Parmi les réponses fournies, j'ai relevé les plus significatives.
Le retour d'expérience qui se dégage de ce sondage apparaît mitigé. Les élèves ont apprécié de travailler sur un support différent de celui utilisé habituellement.
1) Qu'est-ce qui, selon vous, était différent dans ce projet par rapport aux autres projets de l'année ?
Ce projet est sous forme de jeu. On participe activement et on fait nos choix. |
On joue à un jeu vidéo. |
Ce projet est un jeu interactif, une aventure. |
On crée des choses qui vont finir sur Internet et que tout le monde pourra voir. |
On a suivi le voyage d'une réfugiée qui veut rejoindre l'Europe. |
Ce qui était différent, c'est que ce projet portait sur un jeu. |
Ce qui était différent, c'est que l'on a joué à un jeu tout en travaillant. |
On peut jouer à un jeu en apprenant. |
Quels points communs avez-vous vu entre ce projet et les autres projets de l'année ?
Les points communs sont que les travaux ont été réalisés avec des outils numériques et c'était sur une femme. |
Le point commun est que le projet porte sur des femmes qui se sont battues tout au long de ces années. |
Ce sont des histoires sur des femmes (Nour, Nelly Bly) |
Le personnel principal était une femme. |
On est autonome. |
Pourquoi avez-vous apprécié ou n'avez-vous pas apprécié ce projet ?
50 % des élèves ont apprécié le projet.
37,5 % des élèves n'ont pas apprécié le projet.
12,5 % des élèves ne se prononcent pas.
J'ai apprécié parce que c'est différent de ce qu'on a pu faire cette année. |
J'ai apprécié car ça nous permet aussi de parler du jeu, de voir les mots qu'on n'a pas compris et de faire autre chose en parallèle. |
J'ai apprécié ce projet parce qu'au moins, il y a une aide. |
J'ai apprécié car c'était marrant. |
J'ai apprécié mais parfois, on n'avait pas assez de temps. |
J'ai apprécié car on suivait l'aventure de quelqu'un. |
J'ai apprécié car cela parle d'une femme indépendante. On fait nos choix, notre histoire. |
Le projet était cool car on était avec nos camarades. |
Je n'ai pas apprécié ce projet parce que c'était trop long. |
Je n'ai pas apprécié ce projet parce qu'il n'apporte pas de connaissances. Par exemple comment conjuguer, apprendre le vocabulaire, etc. |
Je n'ai pas apprécié car c'était trop long et les mots utilisés étaient trop durs. |
Je n'ai pas apprécié car le jeu était affecté par des "bugs", ce qui nous obligeait à recommencer à zéro. C'était en anglais et on ne comprenait pas tout pour faire certains choix plus rationnels. |
Je n'ai pas apprécié car c'était trop long et ennuyant. |
4) La séquence a duré assez longtemps car une seule séance était consacrée au jeu. Cette organisation vous a-t-elle convenu ? Auriez-vous préféré jouer en dehors du collège ?
Une séance par semaine me suffisait parce que je ne pense pas qu'en dehors, j'y aurais joué et le fait de travailler en groupe est mieux. |
Une séance par semaine me convenait car en jouant plus longtemps, je me serais sûrement lassé assez rapidement du jeu. |
J'aurais préféré jouer en dehors des cours car on aurait pu avancer plus vite. |
Une séance par semaine me convenait car ce n'est pas un jeu qui m'intéresse en dehors. |
Une séance par semaine me convenait car on peut s'aider avec d'autres élèves. |
Une séance par semaine me convenait car cela nous a permis de travailler en groupe au lieu de travailler seul. |
Une séance par semaine me convenait car on a assez d'heures de cours pour le faire. Pas besoin de travailler en plus. |
Dans ce projet, qu'a apporté le travail de groupe selon vous ?
C'était plus simple pour avancer et ça allait plus vite. |
Pas grand chose. Le jeu peut se faire tout seul ou bien en groupe plus restreint. |
Le travail de groupe a apporté plus d'affinités et on s'est entraidés. |
Le travail de groupe a apporté de la convivialité. Nous pouvions nous éclairer les uns les autres. |
Le travail de groupe nous a permis de faire des choix plus rationnels. |
Rien que d'être en groupe m'embrouille l'esprit, me perturbe. Les autres m'importunent. Je n'arrive pas à rester sérieux quand je suis en groupe. |
Le travail de groupe a permis plus de choix de réponses. |
On cherchait tous ensemble. |
On a chacun un avis différent, donc c'est assez difficile pour faire des choix. Le travail de groupe apporte de la vivacité. |
On a regroupé nos connaissances. |
Du fun. |
Auriez-vous préféré travailler seul(e) ?
3 élèves seulement auraient préféré travailler seuls. L'un d'eux justifie sa préférence en expliquant qu'un jeu vidéo se joue seul.
Est-ce que l'aspect « jeu » du projet apporte quelque chose de plus par rapport à un projet plus classique ?
46 % des élèves pensent que l'aspect jeu apporte une plus-value par rapport à un projet plus classique.
15 % pensent que l'aspect jeu n'apporte rien ou estiment que ce n'était pas un jeu.
39 % des élèves n'ont pas d'avis tranché sur la question.
Pas vraiment. |
Oui, c'est plus intéressant pour nous, parce qu'on est souvent lassé de faire la même chose et là, c'était différent. |
De l'originalité. |
C'est inventif. Ce n'est pas commun de jouer à un jeu en classe sur une tablette avec son propre parcours. |
Non car le « jeu » n'était pas amusant. |
Oui, il nous fait plus intervenir. |
On est plus impliqués dans les jeux. On s'investit plus. |
C'est beaucoup mieux qu'un cours normal à écrire. |
Pas forcément, mais le fait d'être à plusieurs nous aide beaucoup plus. |
Il permet d'apprendre en s'amusant. |
Ça donne un caractère ludique. |
Non, car le jeu apporte aux élèves de l'amusement et les élèves vont faire des bêtises. Ils ne vont pas se concentrer sur ce projet. |
Avez-vous des regrets concernant le déroulement du projet ? Si oui, lesquels ?
2 élèves ont des regrets en raison de problèmes techniques qui sont survenus sur leur tablette.
2 élèves ont trouvé le jeu trop long et donc ennuyeux.
1 élève regrette que le vocabulaire n'était pas à portée de main dans le jeu.
81 % des élèves n'ont pas éprouvé de regrets concernant le déroulement du projet. Dans le tableau se trouvent les motifs des 29 % ayant signalé des regrets.
C'était trop long. Un peu trop long, donc redondant. Je m'en suis vite lassé. |
Dans notre jeu, Nour est morte. Je voulais qu'elle réussisse. |
Il y a des mots qu'on ne connaît pas. L'application ne met pas la traduction des mots. Ce site sert à être amusant en jouant avec une personne. |
Le jeu a planté plusieurs fois. |
J'aurais bien aimé finir l'aventure. |
Quels sont vos sentiments à l'égard des personnages ?
J'ai pris mon rôle au sérieux. J'ai vraiment voulu l'aider. |
Le personnage Nour est intéressant, mais si on ne comprend pas des mots, l'application ne nous aidera pas. Il aller aller sur une autre application. |
Je ne me sentais pas vraiment proche de Nour. Le résultat m'importait peu. |
Au début, j'étais convaincue que nous pouvions y arriver. Même si c'est de la fiction, nous voulions l'aider. On pouvait facilement s'attacher aux personnages si on jouait sérieusement et si l'on prenait notre rôle de « guide » au sérieux. |
Je ne me suis pas sentie proche de Nour, car c'est juste un jeu, même si j'ai pris mon rôle au sérieux pour l'aider. |
On ne s'attache pas forcément au personnage de Nour. On veut l'aider mais ce n'est pas grave si on n'y arrive pas. |
Je n'ai pas eu particulièrement de sentiments à l'égard des personnages. |
Je ne me suis pas senti proche car c'est un simple personnage de jeu vidéo qui n'existe pas, mais je voulais quand même qu'elle gagne. |
Recommanderiez-vous ce jeu à votre entourage ? Si oui ou non, pourquoi ?
31 % des élèves recommanderaient ce jeu.
15 % des élèves sont plutôt mitigés.
54 % des élèves ne recommanderaient pas ce jeu.
Oui, car on apprend un peu à comprendre l'anglais. |
Oui, s'ils veulent apprendre l'anglais et des mots nouveaux. |
Oui, pour apprendre des choses sur les migrants. |
Oui, mais en français, car ils pourraient apprendre des choses sur les migrants. |
Oui, car c'est une manière différente de découvrir les conditions de vie en Syrie plutôt que de regarder les informations. |
Non, ce jeu n'était pas super. |
Non, car je ne l'ai pas aimé. |
Non, car mon entourage n'aime pas trop jouer aux jeux. |
Je ne pense pas, car il est payant. |
Non, parce que ce jeu est long. |
Non, car je ne l'ai pas trop aimé. Je n'ai pas eu de sentiments pour le personnage et j'ai trouvé le jeu trop long. |
Non, car je ne pense pas que ce jeu les intéresse. |
Non, sauf s'ils veulent découvrir le parcours d'une femme qui veut rejoindre l'Europe. |
Non, car il est long et l'histoire est passable. |
Je suis assez mitigé. Le jeu est innovant. |
C'est un jeu assez spécial qui ne plaît pas à tout le monde. |
Non, car ce jeu apporte de l'amusement et non des connaissances. |
Même si ce type de projet facilite la mise en place d'une différenciation pédagogique, il se révèle néanmoins long. Nous avons travaillé un mois complet sur le projet. Au début de la quatrième semaine, un groupe a échoué. Cet échec a eu une incidence sur la motivation et l'engagement des autres groupes dans le jeu. Le groupe qui avait perdu ne souhaita pas rejoindre une autre équipe pour tenter d'aller plus loin. L'échec du premier groupe annonça en quelques sortes la fin de la séquence.
Par ailleurs, des bugs ont commencé à apparaître dans le jeu car certains, pour aller plus vite, ont cherché à passer du français vers l'anglais. Un grand nombre d'élèves se sont lassés car ils estimaient que le personnage principal, Nour, était beaucoup trop bavarde. Cette baisse d'enthousiasme a provoqué la fin du jeu. Aucun groupe n'est parvenu à la fin, mais ce n'était pas important, puisqu'il s'agissait d'un jeu avant tout coopératif et non compétitif.
Par ailleurs, les élèves n'ont pas ressenti de véritable empathie pour le personnage central car Nour n'était pas une personne réelle. Les élèves souhaitaient certes qu'elle réussisse à atteindre l'Europe, mais ils ont gardé un relatif manque d'engagement à l'égard de Nour car il s'agissait d'un personnage fictif de jeu vidéo. Le fait de ne pas parvenir à la fin du jeu n'entraînait aucune conséquence lourde.
Auteur : Regine Ballonad-Berthois
Dernière publication : 10 juin 2019
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